À lui tout seul, ce « vieux loup gris » a redonné des couleurs à toute une île 24 08 2023
Selon des chercheurs américains, l’arrivée d’un loup solitaire sur une île américaine a renforcé la meute locale, mais aussi tout l’écosystème du territoire. Un exemple qui pourrait servir à la préservation d’autres espèces de prédateurs consanguins en danger d’extinction.
Le passage d’un pont de glace entre le Canada et une île américaine, par un loup solitaire a permis de régénérer le pool génétique de la meute locale mais aussi tout un écosystème insulaire, concluent des chercheurs américains après des années d’étude.
« Il s’agit de la première étude qui montre que des problèmes génétiques n’ont pas simplement un impact sur une population donnée et augmentent le risque de voir cette population s’éteindre, mais ont aussi de grandes répercussions sur toutes les espèces », explique à l’AFP Sarah Hoy, autrice principale de cette étude publiée mercredi 23 août 2023 dans la revue Science Advances .
Le « vieux loup gris »
L’équipe de cette chercheuse en écologie à l’université technologique du Michigan a scruté à la loupe l’écosystème de l’Isle Royale, située du côté américain du Lac Supérieur, vaste étendue d’eau douce coincée entre le Canada et les États-Unis, après l’arrivée sur place d’un loup solitaire inconnu de la meute locale.
En 1997, ce nouveau venu, baptisé « M93 » dans le cadre de l’étude mais plus affectueusement « le vieux loup gris » par les chercheurs, traversent un pont de glace entre le Canada et l’île.
Les premiers loups connus étaient arrivés sur ce territoire dans les années 1940 et ils chassaient principalement des élans, permettant ainsi de mener la plus longue étude jamais réalisée sur le système « prédateur-proie ».
Dans les années 1980, l’introduction d’un virus, le « parvovirus canin », dans cet écosystème contribue à décimer la population locale de loups qui passe de la cinquantaine à la douzaine, souligne l’étude.
Nouveau mâle reproducteur
Mais l’arrivée du « vieux loup gris » change la donne pour les meutes locales et tout l’écosystème. N’étant pas lié à cette meute et étant particulièrement large, un avantage clé face aux élans, il s’impose comme le nouveau « mâle reproducteur » parmi l’une des trois meutes de l’île, au point d’être le géniteur de 34 louveteaux.
Conséquence : non seulement le pool génétique des loups de l’île se diversifie mais leur capacité à tuer les élans s’améliore. Comme les élans, des herbivores, mangent jusqu’à 14 kilos de végétation par jour, la réduction de leur nombre face aux loups entraîne aussi une transformation de l’écosystème pour en rétablir l’équilibre, concluent les chercheurs américains.
Avec moins d’élans, les sapins baumiers ont recommencé à pousser à un taux qui n’avait pas été observé depuis des décennies, ce qui était vital pour la forêt et donc une myriade de plantes et d’espèces.
Des conclusions applicables à d’autres espèces ?
Mais l’histoire ne s’arrête pas là et le boom démographique des loups a finalement contribué à un nouveau déséquilibre de l’écosystème, en raison de la consanguinité.
Après la mort de « M93 », qui avait fait bénéficier de son patrimoine génétique environ 60 % des loups, la population a recommencé à décliner au point où il ne restait plus que deux loups : un père et sa fille, qui était aussi demi-frère et sœur.
Un programme de réintroduction de l’espèce lancé il y a cinq ans a toutefois permis de rétablir un meilleur équilibre dans cet écosystème isolé où vivent désormais une trentaine de loups et un peu moins d’un millier d’élans, aussi nommés « orignaux » en Amérique du Nord.
Pour Sarah Hoy, le cas du « vieux loup gris » pourrait sans doute s’appliquer à d’autres populations de prédateurs consanguins en danger d’extinction comme les guépards en montrant que l’introduction d’un ou quelques individus dans un pool génétique permet non seulement de renouveler une population mais aussi un écosystème.
Professeur d’écologie à l’université d’État de l’Oregon, William Ripple qualifie « d’important » le travail de sa collègue du Michigan, à laquelle il n’a pas participé, en montrant que les processus génétiques peuvent limiter les impacts écologiques » d’une espèce donnée, dit-il à l’AFP.
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