LOUP DE MON COEUR

LOUP DE MON COEUR

Laetitia Becker pianiste et ces loups en RUSSIE

 

Laetitia Becker une jeune chercheuse au chevet des loups en Russie

Share on facebookShare on emailShare on favoritesShare on print|More Sharing ServicesMore|Publié le 10 février 2010 par Laurence

Dans un village au coeur de la Russie, Laetitia Becker, fondatrice de Lupus Laetus, mène des recherches sur les loups. Au milieu de cet animal mythique plusieurs heures par jour, elle partage son expérience. Rencontre avec une jeune femme dont le hurlement est désormais connu des loups.

Eco-volontaire.com : Laetitia, vous préparez actuellement une thèse sur les loups russes et vivez au milieu d’eux. Parlez-nous de cette expérience, avez-vous des anecdotes particulières ?
Laetitia Becker : je ne vis pas vraiment au milieu des loups, je travaille au milieu d’eux. J’ai plein d’anecdotes, qui feront sûrement l’objet d’un livre un de ces jours… J’en rapporte une ici qui m’avait donné beaucoup de bonheur.
C’était l’été 2008, un de nos loups s’était échappé. Ca arrive, par manque de moyens, nos enclos ne sont pas toujours très solides. Celui qui s’était échappé était Sabado, qu’on appelait encore Chaussette car, il avait une patte blanche. Il était relativement proche de l’homme et nous savions qu’il n’hésiterait pas à s’approcher des villages. C’est l’été, le bétail est dehors… les bergers aussi. On nous avertit assez vite qu’un loup a été vu dans un village à 15km. Je m’y rends avec Vladimir Bologov, mais nous commençons à douter de nos chances de le retrouver. Il a été vu ce matin, l’herbe est aussi haute que lui, ça n’est pas comme l’hiver où on peut traquer facilement. Il peut être n’importe où et sa présence près des hommes peut le mettre en danger. Je propose à Vladimir Bologov d’hurler puisque les loups connaissent en général mon hurlement. Ca fait plusieurs mois qu’ils ne l’ont pas entendu et j’ai peur que Sabado ne me reconnaisse pas. Je monte sur une colline. Je prends ma respiration et pousse un hurlement, suivi de deux autres à cinq minutes d’intervalle. Je tends l’oreille à la recherche d’une réponse. Rien. Je reviens vers la route où Vladimir Bologov attend. Après quelques minutes, une silhouette arrive en courant au loin. Oui, c’est bien lui, je le reconnais ! Chaussette a l’air aussi content de nous revoir que nous de l’attraper !

Eco-volontaire.com : à partir de quand vous êtes-vous intéressées aux loups ?
Laetitia Becker : ma passion pour les loups a sans doute toujours été au fond de moi, même si je l’ai découverte avec le temps. Disons que ma vocation de travailler au milieu des animaux est née il y a tellement longtemps que je ne me souviens jamais d’avoir eu une autre idée en tête. Depuis toute petite, je suis passionnée par les animaux de tous poils : j’examinais mon chien à la loupe, je dévorais les documentaires animaliers. J’ai lu « Le vétérinaire volant » et je me voyais sauver les animaux sauvages à travers le monde. J’ai vu «Gorilles dans la brume » et je me voyais défendre les espèces en danger. Mes rêves concernant ma profession future oscillaient entre vétérinaire, zoologiste, chercheur et cinéaste, avec toujours ce même besoin : vivre au contact des animaux. J’ai toujours préféré les mammifères. Avec le temps, j’ai eu un plus grand intérêt pour les prédateurs, et puis après une vague période exotique (lion, tigre), j’ai eu un déclic loup, ours, lynx. Mais le loup a toujours été mon favori. Animal social, il est très intéressant au niveau comportemental. J’ai également un attrait physique pour l’animal! Et enfin, je pense que le fait d’avoir grandi avec des chiens a joué. Quand je regarde les yeux, le corps d’un loup, tout est dit. Je comprends tout de la même façon que je comprends mon chien, quand il a envie de jouer, quand il a peur…

Eco-volontaire.com : aujourd’hui, de part vos recherches, vous menez un travail de terrain en Russie. Qu’étudiez-vous exactement chez le loup ?
Laetitia Becker : en 1993 en RussieVladimir Bologov créé un programme de réhabilitation de louveteaux orphelins, pour remettre en liberté des loups provenant de chasseurs ou de zoos. Mon objectif est de reprendre ce programme, étape par étape, dans un cadre scientifique. D’où le sujet de ma thèse : Réintroduction de loups (Canis lupus) orphelins : méthodes d’élevage, modélisation d’habitat, dispersion et survie. Concrètement, nous recevons chaque printemps des louveteaux au comportement variable, qui sont élevés selon différentes méthodes puis relâchés à l’âge d’un an environ.
Mon travail devra répondre aux questions concernant :
- les méthodes d’élevage : importance du contexte social;
- les individus à succès : identification de traits comportementaux;
- l’évaluation des habitats du loup et prédiction de la dispersion;
- les loups relâchés et l’homme;
- prédation et habitudes alimentaires des loups relâchés;
- succès : colonisation de territoires et reproduction, à partir du suivi de 7 loups relâchés eau printemps 2010 et équipés de collier GPS/GSM.

Eco-volontaire.com : comment avez-vous connu le programme Lupus Laetus ? 
Laetitia Becker : c’est mon père et moi qui avons monté l’association Lupus Laetus ! Depuis 2005, je travaillais bénévolement au centre de réhabilitation de louveteaux orphelins et je voyais les difficultés qu’avait Vladimir Bologov à trouver l’argent nécessaire  pour nourrir les loups. J’ai décidé de monter ma propre association, pour aider et développer le projet. L’association a été créée en 2008 pour venir en aide au loup russe et pour soutenir le programme de réhabilitation des louveteaux. Nous avons voulu jouer avec la dénomination latine du loup (Canis lupus) et l’adjectif latin dérivant de mon prénom (Laetitia) pour inviter le public à œuvrer pour des « loups joyeux ».


Eco-volontaire.com : quel est le rapport de la population russe avec les loups ? 

Laetitia Becker : comme partout, le loup n’est pas très aimé. En Russie, il est considéré comme un animal nuisible : il n’est protégé par aucune loi et sa chasse est possible tout au long de l’année, par n’importe quel moyen (fusil, piège, poison…). De plus, il existe un système de récompense : une prime de 1500 roubles (environ 35€) est versée pour chaque loup tué, quel que soit son âge ou son sexe. C’est souvent à la campagne qu’il est le moins aimé.Dans les villes, l’opinion commence à changer en faveur d’une protection de la nature.


Eco-volontaire.com : la cohabitation du loup avec les bergers est-elle facile ? 

Laetitia Becker : la cohabitation avec les bergers n’est pas facile, mais elle sans doute meilleure qu’en France. Cela s’explique par le fait que les Russes ont toujours vécu avec le loup et savent protéger leurs troupeaux. De plus, il n’existe aucune indemnité. Si un mouton est tué, c’est la faute au berger. Il va donc protéger son troupeau avec attention.


Eco-volontaire.com : Lupus Laetus mène un programme d’éco-volontariat. Que font les eco-volontaires ? Vous aident-ils dans vos recherches ? 

Laetitia Becker : le programme d’éco-volontariat est vaste. Selon la période de l’année, nous proposons : suivi de traces, conception de poster, campagne de sensibilisation, enregistrement de hurlements… Les volontaires ne m’aident pas directement dans mes recherches, mais participent au projet loup de la station biologique. Cela consiste, entre autres, à récolter des données sur les loups sauvages aux alentours, à développer le programme d’éducation et d’information…

Eco-volontaire.com : 2010 est l’année de la biodiversité. Quel est l’état de la population du loup ? Y-a-t-il urgence quant à sa protection ?
Laetitia Becker : si l’on parle du loup gris, Canis lupus, son état n’est pas menacé. En Russie, malgré l’acharnement de la population à le tuer, on ne peut pas dire que le loup ait été en danger. Les campagnes nationales d’extermination ont créé des hauts et des bas dans la population. Le loup s’en sort toujours car, il trouve refuge dans des territoires peu accessibles à l’homme, et ils sont nombreux en Russie ! De plus, avec la chasse, on voit apparaître des mécanismes d’adaptation. D’un point de vue scientifique, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Si le loup obtenait le statut de gibier, la mise en place de saisons de chasse ouverte (automne, hiver) et fermée (printemps, été) serait un bon compromis et pourrait contenter à la fois les chasseurs, les autorités et les loups. Les biologistes russes spécialistes du loup demandent depuis longtemps ce changement de statut. Mais le loup reste un sujet controversé… Ailleurs dans le monde, le loup gris n’a pas non plus besoin de protection. Le loup est un animal intelligent et opportuniste, il saura toujours se débrouiller pour survivre, se cacher ici, revenir là.
Si on s’intéresse à certaines sous espèces, voire à d’autres canidés, là, oui, certains sont en danger. D’où l’intérêt de mon travail, qui pourrait servir de ligne directrice dans la réintroduction d’espèces telles que le loup mexicain (Canis lupus baileyi), le loup rouge (Canis rufus) et le loup à crinière (Chrysocyon brachyurus) en Amérique, le loup d’Abyssinie (Canis simensis) et le lycaon (Lycaon pictus) en Afrique ou encore le dhole (Cuon alpinus) en Asie.

 

 SUITE

 

UNE RENCONTRE UNIQUE POUR DÉCOUVRIR ET SOUTENIR LE TRAVAIL DE LAETITIA BECKER POUR PROTÉGER LE LOUP EN RUSSIE.

 

J’ai rencontré Laetitia Becker lors d’une conférence qu’elle a donnée à Strasbourg le 21 Novembre 2008. Je suis tombé comme beaucoup, sous le charme de cette femme passionnée, de caractère,  au combien sensible qui a décidé de vouer sa vie au loup et a sa protection en Russie.

 

J’ai voulu apporter ma contribution à son travail et je me suis décidé assez rapidement à partir la rejoindre au fin fond de la Russie profonde. Je suis parti 15 jours comme éco-volontaire pour réhabiliter en autre, un centre éducatif destiné à la découverte du loup. Ca m’a permis également de vivre une aventure à une époque révolue en France où le boulier, aide encore les caissières Russe à faire les comptes dans les magasins, étonnant….

 

Au delà des apparences précaires, j’ai été reçu à bras ouverts et avec beaucoup de générosité par toute la population scientifique et par Laetitia bien sur. J’ai appris également beaucoup de choses sur les loups à leur contact et leur façon de vivre, chose qu’il m’est impossible de vivre en France. Ca a été une expérience unique qui restera gravée dans ma mémoire….

 

Nous sommes à 400km au nord-ouest de Moscou, perdue au milieu de la taïga. Mai 2009 : la nature sort doucement de son long sommeil hivernal… Période creuse pour moi : les loups de la saison précédente viennent de partir ; les louveteaux de l’année ne sont pas encore là. Depuis juin 2005, je travaille bénévolement au Centre de Réhabilitation de Louveteaux Orphelins à la Station Biologique « Chisty Les ». J’ai déjà eu 4 groupes sous ma responsabilité, soit 19 loups, que j’ai accompagnés dans leur première année de vie. 

 

Ici, le loup n’est protégé par aucune loi et sa chasse est possible tout au long de l’année, par n’importe quel moyen. De plus, pour encourager la chasse, il existe un système de récompense : une prime de 1500 roubles (environ 50€) est versée pour chaque loup tué, quel que soient son âge ou son sexe. En 1993, un passionné des loups, Vladimir Bologov, créé le programme de réhabilitation, sorte de mesure intérimaire en attendant la fin du système de récompenses.  L’idée est d’élever des louveteaux retirés de leur tanière par des chasseurs pour les remettre en liberté. Parallèlement, ce projet offre de grandes possibilités en ce qui concerne l’étude du comportement des loups.

 

Chaque printemps, une ou plusieurs portées de louveteaux orphelins arrivent au centre, en provenance de zoos ou de chasseurs. En fonction de leur âge et du degré d’imprégnation par l’homme, les animaux présentent un comportement variable à leur arrivée, du complet apprivoisement au caractère sauvage, en passant par divers degré de timidité. Depuis la création du programme, différentes méthodes d’élevage ont été utilisées en fonction du comportement que les louveteaux présentaient à leur arrivée : en enclos, en liberté, avec des parents adoptifs... Sur 42 loups, 34 ont été réhabilités avec succès.

 

 

 

En avril 2008 j’ai débuté une thèse en codirection franco-russe, sous la direction d’André Ancel, chargé de recherches à l’Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (Université de Strasbourg) et d’Andreï Poyarkov, professeur à l’Institut Severtsov (Académie des Sciences de Moscou). Je m’intéresse essentiellement aux interactions des louveteaux entre eux et avec leur environnement. Je passe plusieurs heures par jour à rapporter leur comportement et son évolution en vue de leur remise en liberté. Mon ambition est d’écrire un rapport sur les méthodes d’élevage et de réhabilitation des loups dans la nature.

 

Les intérêts sont divers dans la protection des espèces. D’une part, pour aider la conservation du loup lui-même, cette méthode serait une alternative aux réintroductions ou déplacements d’individus, trop souvent sources de conflits et dommages sur leurs nouveaux territoires. D’autre part, pour aider les canidés à travers le monde, cette méthode pourrait s’avérer utilisable pour les espèces en danger telles que le loup mexicain (Canis lupus baileyi), le loup rouge (Canis rufus) et le loup à crinière (Chrysocyon brachyurus) en Amérique, le loup d’Abyssinie (Canis simensis) et le lycaon (Lycaon pictus) en Afrique ou encore le dhole (Cuon alpinus) en Asie.

 

Pour mener à bien mon doctorat, je bénéficie d’une bourse de « lupus laetus », association créée pour venir en aide au loup russe qui vit dans un environnement difficile. Nous avons voulu jouer avec la dénomination latine du loup (Canis lupus) et l’adjectif latin dérivant de mon prénom (Laetitia) pour inviter le public à œuvrer pour des « loups joyeux ». Concrètement, l’association soutient le programme de réhabilitation en collectant des fonds pour nourrir les loups, les équiper de collier GPS, construire un centre d’information… Pour entrer dans la meute de lupus laetus et contribuer à la réhabilitation des loups russes orphelins, rendez-vous sur le site www.lupuslaetus.org.  

 

 

 

Laetitia Becker

 

L'article consacré à Laetitia Becker, cette jeune française qui vit retirée dans la forêt russe avec des loups, publié dans Le Figaro du 17 juin a suscité de nombreuses réactions (Photos V. Bologov).

 

Aider. Plusieurs d'entre vous ont manifesté le souhait de l'aider, notamment àfinancer ses travaux scientifiques. Laetitia me transmet le message suivant: "il est possible de soutenir mon action en devenant membre de l'association Lupus Laetus.

 

Membre simple, 20€, vous recevrez un certificat de parrainage personnalisé, format A5.

 

Membre bienfaiteur, à partir de 50€. Vous recevrez un certificat de parrainage personnalisé, format A5 et un porte-clé Lupus Laetus.

 

Joignez un chèque en euro, libellé à l'ordre de "Lupus Laetus", à envoyer à Lupus Laetus, 6, rue de Sully, 67000 Strasbourg, France."

 

Taïga. Parmi les lecteurs ayant laissé des commentaires, Andy et Krapotkin s'interrogent sur l'opportunité de l'emploi du mot taïga pour décrire la forêt où vit Laetitia, à 500km à l'ouest de Moscou, donc à la même latitude. Figurez-vous que j'ai hésité avant d'employer le terme et consulté plusieurs sites et dictionnaires. Wikipedia par exemple (certes pas une référence absolue) précise que la taïga démarre dès 55° de latitude nord, et qu'elle n'est pas composée uniquement de conifères mais compte des bouleaux dans son biotope

 



16/06/2013
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