L’image du loup s’est radicalement transformée 27 12 2021
Entre les dernières chasses au loup du XIXe siècle et le retour officiel du loup en France en 1992, l’image de l’animal a complètement changé, et est passée « d’un extrême à l’autre » selon l’historien de l’université de Caen, Jean-Marc Moriceau. Du Grand méchant loup à P’tit loup, du tueur d’homme à l’emblème d’une nature sauvage.
Le loup est réapparu en France dans les années 1990. Depuis, il s’est installé ou a traversé presque toutes les régions, posant souvent problème aux éleveurs ovins. Mais en quelques dizaines d’années, son image s’est radicalement transformée.
Pour Jean-Marc Moriceau, professeur d’histoire à l’Université de Caen-Normandie, spécialiste d’histoire rurale et auteur de nombreux ouvrages sur le loup, ce changement révèle beaucoup de l’évolution de la société.
Je travaillais depuis vingt ans sur l’histoire des campagnes et je m’étais rendu compte que le loup était un ennemi commun des éleveurs, bergers, agriculteurs et de l’ensemble de la société à l’époque historique. Il attaquait le bétail ; enragé, il s’en prenait à toutes les catégories de population et il dévorait les éléments les plus vulnérables, comme dans Le Petit Chaperon rouge. À son retour en France, le débat entre anti et pro-loup faisait rage et utilisait des éléments passionnels, je voulais donner une version historique.
Aujourd’hui la peur du loup s’est déplacée : ce sont les bergers qui le craignent et moins la société ?
Au XXIe siècle, il y a encore des attaques, rarissimes, de loup sur l’homme. Au Canada, aux États-Unis, en Turquie, en Iran, au nord de l’Inde. En Europe, il y a eu des attaques jusque dans les années 1960, notamment au Portugal et en Espagne. Effectivement, la peur s’est déplacée parce que les enfants vont à l’école et ne gardent plus les troupeaux, l’homme s’est doté de moyens techniques impressionnants, l’urbanisation s’est accrue.
Il nous craint désormais ?
Longtemps, il a été audacieux parce que les hommes s’entre-tuaient. Il profitait des guerres. À partir du moment où la sécurité est devenue un impératif, sa population s’est raréfiée et le loup a changé d’attitude, il évite les confrontations avec l’homme. Une guerre systématique d’extermination était menée contre lui à partir de 1850. Mais son statut juridique s’est récemment inversé : il était le pire des nuisibles et à partir de la Convention de Berne (établie en 1979 et signée par la France en 1990) (1), il est devenu un animal strictement protégé. L’image du loup a complètement changé.
Comment ?
À partir de la Seconde Guerre mondiale, l’homme a pris conscience de sa responsabilité sur la planète. Le loup du Grand nord canadien est devenu un personnage des livres d’aventure. On est passé d’une image de tueur d’homme à un emblème du sauvage.
Le Grand méchant loup est devenu de l’histoire ancienne.
Il y a une sorte d’amnésie collective. Longtemps, la population était unanimement anti-loup, aujourd’hui elle est très majoritairement pro-loup. Le loup est considéré comme « gentil ». On a oublié que, pendant longtemps,, dans certaines circonstances, il pouvait être très dangereux. On est passé d’un extrême à l’autre.
(1) Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée en 1979 à Berne (Suisse) et ratifiée par la France en 1990, qui protège strictement le loup.
A découvrir aussi
- La louve abattue près de Digne les Bains
- Hautes Alpes un moniteur ESF se retrouve nez à nez avec 3 loups 2020
- Une meute de loups face à moi Fabien Bruggmann 31/03/2021
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 89 autres membres