Il a inspiré le film L’enfant loup de Gerardo Olivares en 2010. Il faut dire que sa vie n’est pas commune. De ses 7 à 19 ans, Marcos Rodriguez Pantoja a vécu seul avec une meute de loups, dans la Sierra Morena (chaîne de montagnes du sud de l’Espagne). Il a été retrouvé en 1965 par la Guardia Civil, la police espagnole, alors qu’il vivait entouré d’animaux sauvages.

53 ans après le retour de l’ex-enfant sauvage parmi les hommes, un journaliste du journal britannique The Guardian, l’a rencontré dans sa petite maison de Rante, un hameau en Galice, dans le nord de l’Espagne. L’ancien enfant loup lui a confié sa difficulté à vivre dans un monde auquel il n’était pas préparé.

Vendu par son père

Son histoire commence en Andalousie. Marcos naît le 8 juin 1946 dans une famille pauvre de bergers. Après le décès de sa mère, il est vendu par son père à un vieux berger qui le conduit dans les montagnes pour garder un troupeau de chèvres. Le vieil homme lui apprend les rudiments de la vie dans la nature (faire du feu, chasser le lapin) et lui apporte régulièrement des provisions.

Mais un jour, le vieux berger, probablement décédé, cesse de venir. Rodriguez n’est âgé que de 6 ou 7 ans. Le propriétaire passe de temps en temps pour voir le troupeau. Mais le petit Marcos se cache, ne voulant pas être ramené chez lui où il a subi les pires traitements. « J’ai préféré les montagnes à la maison », raconte-il au Guardian.

Seul dans la nature, l’enfant essaye d’abord de pêcher et de chasser, mais sans grand résultat. Alors il se met à imiter les animaux. Il observe comment les sangliers trouvent les tubercules, comment les oiseaux choisissent les baies comestibles. Il apprend à poser des pièges et à pêcher. Adolescent, il entreprend de chasser le cerf pour sa peau et sa viande.

Sous la protection des loups

Il fait connaissance avec les loups à l’âge de 7 ans. Il cherchait un abri pour se protéger d’un orage quand il a découvert leur tanière. La louve était absente et l’enfant s’est endormi avec les chiots. À son retour, la louve a grogné mais ne l’a étrangement pas attaqué. Et elle l’a laissé manger un morceau de viande. Il a ensuite grandi parmi eux. Il raconte également s’être lié à des renards et à des serpents.

 

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Scène du film « L’enfant loup » de Gerardo Olivares. (Photo : Polyband Medien GmbH)

 

 

Sans personne pour parler, il perd l’usage de la parole et commence à aboyer, gazouiller, hurler et hululer… Son destin bascule à nouveau en 1965, lorsqu’un garde du parc rapporte à la police avoir vu un homme aux cheveux longs, vêtu d’une peau de bête, errer dans la montagne.

Trois officiers sont envoyés pour le chercher. Marcos se rappelle qu’ils lui ont parlé mais qu’il n’a pas su répondre. Il avait compris leurs questions mais n’avait pas parlé depuis 12 ans. Il essaye de fuir mais est rattrapé par les policiers, qui l’attachent pour le ramener dans le village le plus proche.

« Une série de chocs »

Au village, un prêtre a bien essayé de lui apprendre à parler, à s’habiller et à manger correctement. « Mais j’essayais toujours de partir vers les montagnes. Je n’étais pas à l’aise avec les autres êtres humains. » D’après le prêtre, il était « inadapté aux normes sociales ».

Après quelques semaines, Marcos rejoint un couvent à Madrid où des religieuses tentent de le réadapter. Mais après le couvent, « l’adaptation à la vie humaine a été une série de chocs », relate le Guardian.

Sa première séance au cinéma pour voir un western a été un cauchemar. Il est sorti en courant de la salle, terrifié par les cow-boys. La première fois qu’il a dîné au restaurant, il a été étonné de devoir payer pour de la nourriture.

 

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Marcos Rodríguez Pantoja en 2010, dans le film « L’enfant loup ». (Photo : Polyband Medien GmbH)

 

Depuis qu’il a été trouvé en 1965, Marcos Rodriguez Pantoja s’efforce tant bien que mal de comprendre la société. Il a vécu dans des couvents, des maisons abandonnées, des foyers de jeunes travailleurs, partout en Espagne. Il a fait quantité de petits boulots sur des chantiers, dans des bars, des discothèques ou des hôtels. Il a été volé et exploité. Les gens ont profité de sa solitude.

Quelques personnes ont essayé de l’aider mais l’ont trouvé souvent maladroit et asocial, et les gens préfèrent finalement l’éviter. « La majeure partie de ma vie, j’ai passé de très mauvais moments parmi les humains, assure-t-il. J’ai constamment été humilié. » En effet, au début, personne n’a voulu croire à son histoire.

Une vie paisible

Depuis la fin des années 1990, il a trouvé refuge dans le petit hameau de Rante, en Galice, dans le Nord de l’Espagne. Il vit dans une petite maison ordinaire qui lui a été donnée par un ami. Âgé de 72 ans, il est à la retraite et occupe son temps à marcher ou à fréquenter le bar du village, où il « aime faire le clown » d’après une serveuse.

Le reste du temps, il reste à la maison à regarder la télé pendant des heures. Pour la première fois depuis qu’il a quitté ses montagnes, sa vie est devenue calme et paisible. « Les gens d’ici gardent un œil sur moi. Ils sont les personnes les plus agréables que j’aie pu rencontrer jusqu’à présent. »

La sortie du film L’enfant loup en 2010 a fait de lui une célébrité. Après des années à être pris pour un idiot ou un ivrogne, il a enfin été pris au sérieux et les gens ont enfin cru à son histoire. Peut-être un peu trop. « Les journalistes voulaient tout savoir de moi », dit-il. Et des fans lui ont écrit d’Allemagne, des États-Unis, du Royaume-Uni. L’intensité de leur fascination tardive l’a déconcerté.

Encore aujourd’hui, il regrette le temps où il vivait avec les loups. « Mais je suis trop un homme à présent. »